À l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes 2023, nous avons interrogé 10 femmes influentes dans le monde des réseaux sociaux. Nous les avons questionnées sur leur expérience en tant que femme dans leur vie professionnelle sur les réseaux sociaux. Découvrez leurs observations, leurs espoirs et leurs déceptions dans cet interview croisée.

Caroline Mignaux Céline Beckrich Delphine Barnavon Emmanuelle Patry Florence Gregeois

Lavinia Agaoua Martine Le Jossec Myriam Roche Nina Ramen Pauline Vettier

Caroline Mignaux est Entrepreneure et Growth Marketer, hôte des podcasts “Marketing Square” et “Performer sur LinkedIn“.

Céline Beckrich est Secrétaire générale de la Confédération des Arts de la Table et Consultante social media, @dis_celine sur Instagram. 

Delphine Barnavon est hôte du Powherful Club, le podcast qui décrypte les stratégies des entrepreneuses à succès.

Emmanuelle Patry est Créatrice de “Social Media Expert“, incubateur pour community managers indépendants.

Florence Gregeois est Growth Marketer, Ambassadrice de Refer et a mentoré plus de 120 entrepreneurs en 2022.

Lavinia Agaoua est Conceptrice rédactrice chez Horace et parle pub et féminisme sur LinkedIn.

Martine Le Jossec est consultante et formatrice en communication, spécialisée dans le conseil stratégique et la communication responsable.

Myriam Roche décrypte l’univers des influenceurs et des réseaux sociaux. Elle a fondé le média Les Gens d’Internet, le podcast Ego et co-fondé Le café de l’influence.

Nina Ramen est Copywriter et aide les femmes à porter leur voix avec le bootcamp RamenTaFraise.

Pauline Vettier est Spécialiste Marketing B2B et Relations Presse pour les entreprises dans l’énergie et le climatetech.

 

1. Comment vois-tu le milieu des réseaux sociaux en tant que femme ?

Caroline : Longtemps invisibilisées dans les médias, les réseaux sociaux sont le meilleur moyen pour les femmes de regagner leur voix. Ici, pas de privilège d’accès. Les réseaux sociaux sont un outil démocrate s’il en est. L’algorithme n’a pas d’affect, il sélectionne les contenus. J’en parlais dans cette émission sur BFM, les femmes sont sous représentées dans les sphères de la Tech, de l’artisanat et bien d’autres industries ! 

Céline : Les réseaux sont-ils genrés ? Quand on regarde la représentation des genres sur les réseaux sociaux, elles varient selon les plateformes. Instagram, TikTok et Pinterest sont majoritairement représentés par des femmes, avec des clichés beauty et lifestyle. Tandis que YouTube, Twitch sont plutôt fréquentés par des hommes. En particulier sur Twitch où 81,5* % des utilisateurs sont des hommes (*source Influence4You), la plateforme est connue pour être très sexiste.

Delphine : Comme une opportunité de prendre notre place. On coupe souvent la parole aux femmes, mais ici personne ne peut nous empêcher de parler et de construire notre empire.

Emmanuelle : Ici en France, c’est paradoxal car les réseaux sociaux sont à la fois un espace de liberté pour les femmes, où on peut s’exprimer librement sur beaucoup de sujets et recevoir du soutien. Et d’un autre côté les créatrices de contenus sont très critiquées, en particulier sur le physique. 

Florence : Les réseaux sociaux sont de véritables catalyseurs de changement dans notre société. De plus en plus de femmes ont pris la parole ces dernières années, s’emparant des grands sujets sociétaux et des enjeux majeurs en entreprise. Une véritable sororité a émergé, bousculant les statu quo sur les questions de l’inclusion féminine, de la santé mentale, du handicap ou encore de l’entrepreneuriat. On voit des femmes fortes qui partagent leurs itinéraires, leurs résiliences, leurs vulnérabilités et leurs dépassements de soi, entraînant d’autres dans leur sillage à oser faire éclater les plafonds de verre des croyances limitantes et des injonctions. Je suis heureuse d’être la témoin de ces changements qui renvoient aux combats qu’autrefois leurs aînées ont menés pour changer le monde.

Lavinia : Libérateur et oppressif (oui je commence fort ^^). D’un côté, j’ai trouvé dans certains réseaux des lieux d’expression inattendus (my heart is where LinkedIn is). D’un autre, 90 % de mon temps sur les réseaux consiste à me comparer, me rabaisser et envier les vies des autres. En termes de confiance en soi, y a encore du boulot…

Martine : J’ai conscience que je vais être un peu atypique. Mon côté résolument optimiste. D’un point de vue professionnel (je fais du conseil et de la formation en communication) : c’est un formidable outil et terrain de jeu ! D’un point de vue militant et engagé : c’est un formidable territoire d’expression, d’échanges et de vie pour les communautés.

Myriam : Je suis ravie de voir que de nombreuses femmes ont réussi à se faire une place sur les réseaux sociaux, devenant expertes dans leur secteur. J’aimerais juste en voir plus dans des domaines encore jugés comme masculins. Les femmes ont toute leur place en ligne et doivent oser prendre la parole.

Nina : Quand j’ai commencé à publier sur LinkedIn il y a 5 ans, je ne voyais que des profils d’hommes passer. Mon intuition s’est confirmée le jour où j’ai été citée dans le classement Favikon. J’étais dans le top 10, mais il n’y avait que 2 femmes : Caroline Mignaux et moi. Là je me suis rendu compte que ce que je ressentais était légitime. Le milieu des réseaux sociaux est majoritairement dominé par les hommes. C’est d’ailleurs à ce moment-là que j’ai lancé la communauté RamenTaFraise, qui aide les femmes à publier et à prendre la parole. Aujourd’hui on est plus de 3000. J’ai d’ailleurs développé un bootcamp : tous les 2 mois, j’aide 20 femmes à prendre la parole sur LinkedIn. Au-delà de ma propre expérience, je constate que les femmes ont des blocages communs : la peur des haters, la peur d’investir l’espace public, le dénigrement des hommes qui partagent leur vie (partenaires, managers), le syndrome de l’imposteur…

Pauline : La prise de parole sur LinkedIn et la construction d’une communauté engagée ont été un formidable accélérateur pour moi. Après 18 mois en freelance, LinkedIn est un canal d’acquisition solide. C’est aussi parce que je build in public mon activité depuis mon lancement : un super moyen de prendre la parole et de gagner en confiance.

2. Comment aimerais-tu que les femmes soient représentées dans les réseaux sociaux ?

Caroline : Comme elles le souhaitent, l’important c’est que chacune se sente estimée à sa juste valeur. La représentation, c’est très subjectif et très lié à la perception. J’espère que les femmes vont continuer à être plus présentes dans les médias, et pas seulement aux fonctions où on les attend. Pour donner l’envie à d’autres de se lancer et déclencher l’effet papillon !

Céline : C’est cliché mais dans leur diversité et dans leur vérité, sans obligatoirement sexualiser le corps de l’homme ou de la femme. L’image de l’homme ou de la femme parfaite, de la perfomence, les filtres presque indetectables proposent une image de nous fantasmée et nous renvoie sur ce que nous ne sommes pas et ça peut être nocif pour certains.

Delphine : Comme j’aimerais qu’elles le soient dans la société, telles qu’elles sont ! Et davantage mises en valeur dans la sphère économique. Des centaines de femmes entreprennent ou sont cadres dirigeantes, mais on les invisibilise, créant le biais cognitif qu’une femme ne sait pas gérer un business.

Emmanuelle : C’est assez archétypal – on a la figure de la maman sur Insta, la girlboss sur LinkedIn, l’artiste sur Pinterest, la technophile sur Discord… J’aimerais que les femmes se sentent plus libres de s’exprimer dans leur pluralité, sans peur du jugement des autres.

Florence : Les femmes sont de plus en plus représentées par des personnalités fortes et généreuses qui transforment les impossibles en possibles. Je pense notamment à Caroline Mignaux, créatrice du podcast Marketing Square, qui a ouvert la voie au growth marketing, un métier jusqu’alors occupé par 20 % de femmes dans la tech. Nina Ramen, copywriteuse, dont l’engagement féministe bouscule les idées reçues. Juliette Aubert qui s’engage pour l’instauration du congé menstruel et de protections périodiques en libre-service au sein des entreprises. Louise Aubery, fondatrice de My Better Self, qui prône le body neutralité et l’acceptation de soi. Virginie Delalande, avocate, qui sensibilise à la surdité et prouve que l’on peut être atteinte de handicap et dotée de superpouvoirs. Les femmes ont compris que les changements viendront d’elles : elles ont eu ce courage incroyable de se saisir de leur souveraineté, de se représenter elles-mêmes et d’associer leurs voix.

Lavinia : J’aimerais qu’elles aient plus de place pour s’exprimer (et moins de chances de recevoir des dickpicks non sollicitées).

Martine : J’aimerais qu’on :

  • leur fiche la paix avec leur aspect physique. Comment faire pour sortir du culte de l’image et des injonctions faites aux femmes ? 
  • arrête de les juger et de les ranger dans des stéréotypes
  • les laisse exprimer leur multiplicité et diversité.

Myriam : Je voudrais qu’on arrête de penser que les femmes sur les réseaux sociaux ne parlent que de mode et de beauté. Elles sont présentes dans tous les domaines, même avec des communautés de niche. Il faudrait les mettre en avant.

Nina : Sur les réseaux sociaux, j’aimerais que les femmes soient représentées autant que les hommes, mais surtout sur les mêmes sujets que les hommes. Aujourd’hui on voit les femmes prendre la parole (notamment sur Instagram) sur des sujets beauté, maternité… Mais finalement quand il faut faire venir un·e expert·e, dans le monde du travail, c’est souvent un homme. J’aimerais que les femmes soient plus entendues pour leur expertise sur des sujets scientifiques, techniques, technologiques…

Pauline : Comme elles le sont vraiment ! C’est-à-dire battantes et courageuses, à minima.

 

3. Observes-tu le sexisme ordinaire dans ton quotidien sur les réseaux sociaux ?

Caroline : Sur LinkedIn, comme dans l’Entrepreneuriat en général, le “mansplaining” (se faire expliquer la vie) va bon train ! J’observe du sexisme ordinaire régulièrement mais n’oublie jamais de me concentrer sur le positif et de voir le meilleur en chacun. Sinon, on n’avance jamais ! Le meilleur moyen de faire taire les oiseaux moqueurs, les sexistes, les détracteurs… c’est toujours de continuer jusqu’à l’excellence. 

Céline : On le sait, sur les réseaux on peut voir le pire comme le meilleur. Au delà du sexisme ordinaire, ce sont les mouvements comme “tradwife” ou les trends dans lesquels les hommes pronent la supériorité de l’homme sur la femme, voir suggèrent la violence contre les femmes, qui me choquent et me font peur.

Delphine : Évidemment ! Il y a toujours des hommes ravis de venir dire qu’on n’y connaît rien, notamment sur des sujets business. Mais je vois aussi de plus en plus d’hommes prendre la parole pour lutter contre cela et venir en renfort dès que nécessaire.

Emmanuelle : Oui quotidiennement, surtout dans les commentaires des posts sur LinkedIn par exemple. Mais le plus problématique selon moi, ce sont les idéologies très misogynes qui se propagent et font des émules face à l’émancipation des femmes (le mâle Alpha). 

Florence : Me concernant, je n’ai jamais été confrontée à des réactions sexistes. De manière surprenante, celles que j’ai pu entendre ont émané de femmes, hors réseaux sociaux. Il existe beaucoup d’injonctions muettes à la réussite issues de l’inconscient collectif et les femmes ont compris, au fil des dernières années, qu’il leur était nécessaire de gagner leur autonomie. On a voulu montrer que l’on était fortes, travaillant le double de l’énergie déployée par les hommes. Et la bonne nouvelle : c’est que je vois une évolution qui se dessine, doucement mais certainement. Des hommes qui, autour de moi, expriment leur soutien et leur admiration vis-à-vis de ces femmes auprès desquelles ils offrent leur vulnérabilité et apprennent à se former. Des femmes qui lâchent sur le « sois forte » pour être elles, dans tout ce qui fait leur richesse. 

Lavinia : Sans surprise, oui. De mon côté, ça revient régulièrement sous 2 formes : soit ma parole est remise en question parce que je suis une femme, soit un homme vient m’expliquer mon propre post parce que selon lui le fait que j’en sois l’autrice ne signifie absolument pas que je l’ai compris 😅

Martine : Oui, malheureusement, il est impossible de le nier. Il suffit de lire les commentaires sur certains posts… Nous ne sommes pas toutes égales face aux réseaux sociaux. Certaines comme moi, fortes de leur expérience et expertise, seront mieux armées que des plus jeunes qui ne connaissent pas les codes. 

Myriam : Malheureusement oui ! Les utilisateurs ne se privent pas de donner leur avis sexiste sous des publications engagées, quand des femmes évoquent leur situation professionnelle ou personnelle. Derrière un écran, il est toujours plus facile de juger.

Nina : Oui. Quand je vois un post d’une femme experte, notamment sur des sujets qui touchent à l’argent, on remet souvent en question sa parole. On va lui demander de citer ses sources, de s’expliquer… Elle est beaucoup plus challengée que si un homme avait posté. Par exemple, je remarque une différence entre Caroline Jurado, qui parle de crypto et d’investissement, et son homologue Yoann Lopez. On se rend compte qu’ils n’ont pas le même type de commentaires et que Caroline est beaucoup plus remise en question. Sur les posts des femmes que j’accompagne dans mon bootcamp également, il n’y a pas une promo qui se passe sans qu’on subisse une vague de haters sous un des posts. Les hommes aussi reçoivent des commentaires haineux, mais pas avec le même type d’arguments, qui remettent en question leur légitimité ou les traitent d’hystériques.

Pauline : J’ai des tentatives de drague en MP, mais je pratique la fonction ‘’bloquer” avec une grande aisance. J’ai rejoint le mouvement #RamenTaFraise dès sa création, et j’y ai été plutôt active. Du coup mon feed LinkedIn est largement constitué de filles féministes, ambitieuses et brillantes… ça aide à tenir les relous à l’écart.

 

4. Un message à faire passer pour la journée internationale des droits des femmes ?

Caroline : Ne nous laissons pas décourager par le fait d’être une minorité, embrassons-le comme une opportunité ! 

Céline : Comme je le dis toujours, une compétence n’a pas de genre, ni de couleur. La diversité dans toutes ses formes est la solution pour faire grandir la société.

Delphine : Être nous-mêmes et assumer notre puissance féminine. Ce mélange de force et de sensibilité qui nous caractérise et qui illustre notre pluralité. Plus on osera briller telles qu’on est, plus on illuminera le monde.

Emmanuelle : L’importance de l’indépendance économique. C’est un vrai combat pour moi. Au sein de mon programme Social Media Expert j’accompagne des femmes professionnelles des réseaux sociaux qui veulent développer leur activité, et qui viennent de différents pays (Europe et Afrique). J’aimerais renforcer cette dimension du programme car en tant que femmes nous rencontrons des freins externes mais aussi internes liés à notre éducation.

Florence : Mon vœu le plus cher est qu’il n’existe un jour plus de Journée de la Femme. Alors, notre société aura pleinement compris combien femmes et hommes sont égaux en droits, complémentaires dans leur identité. Et que plus aucune violence ne soit faite ni à l’encontre d’une femme, ni à celle d’un homme. De quelque nature que ce soit. Une utopie, peut-être, mais je crois en l’Humain. Et ces petits combats commencent dès les cours d’école.

Lavinia : Pour la journée internationale de défense des droits des femmes, petit message pour toutes les femmes entravées par leur syndrome de l’imposteur : si vous trouvez que vous n’êtes pas à la hauteur, n’oubliez pas qu’il existe un homme qui fait le même travail que vous pour plus d’argent et moins de talent. S’il peut croire autant en lui, vous y arriverez aussi 🥰

Martine : En fait, j’aimerais qu’on n’ait plus besoin de faire cette journée. Mais en attendant que ça arrive, juste : “Restons dans la conviction que les chantiers sont nombreux et que rien n’est jamais acquis. Ne baissons pas la garde, continuons d’agir et cultivons la sororité et la solidarité.”

Myriam : Ça n’est pas spécifique à la journée internationale des droits des femmes, mais je voudrais dire à toutes celles qui ont peur de se lancer sur Internet, de prendre la parole, qu’elles y ont toute leur place et qu’on les y attend !

Nina : La clé pour s’en sortir, c’est de s’entraîner. Je le vois dans mon bootcamp : plus les femmes se forment, plus elles ont confiance en elles, puis elles sont solides et elles osent. L’apprentissage est pour moi un levier d’émancipation et de prise de parole. Autre chose : entourez-vous d’autres femmes qui vivent la même chose que vous et qui ne douteront pas de votre parole. Ça aide à surmonter les difficultés. Enfin, ne nous comparons pas. Il y a une toxicité sur les réseaux sociaux qui nous pousse à nous comparer. C’est une mécanique assez sexiste qui date d’une époque où les richesses et le pouvoir étaient concentrés par les hommes, et où le seul moyen de les acquérir était d’avoir l’attention d’un homme. Ça a créé beaucoup de rivalité entre femmes, mais on n’a plus besoin de ça maintenant.

Pauline : L’une des clés de la réussite en business, c’est la confiance en soi ! On ne l’apprend pas à l’école, ni pendant ses études. À nous de nous entourer de femmes et d’hommes qui nous tirent vers le haut !

 

Caroline, Céline, Delphine, Emmanuelle, Florence, Lavinia, Martine, Myriam, Nina et Pauline sont très présentes sur LinkedIn ! Allez leur faire un coucou de notre part 😉

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