Tandis que les prises de paroles des marques sur les réseaux sociaux s’intensifient et que l’espace des social ads devient de plus en plus concurrentiel, l’influence B2B se détache comme une tendance grandissante. Face aux coûts élevés de la publicité traditionnelle et à la méfiance des consommateurs envers celle-ci, les marques peuvent être tentées de faire appel à des influenceurs B2B.

Experts dans leur domaine et thought leaders de leur communauté, ces derniers reçoivent bien trop souvent un brief maladroit des marques. Trop précises, laissant peu de place à la créativité, les directives des marques empêchent parfois les campagnes d’influence B2B de briller en ne misant pas sur l’expertise de l’influenceur.

Dans un précédent article, on vous présentait le milieu de l’influence sur LinkedIn.

Marques : pour vous aider à briefer les influenceurs B2B, nous avons interrogé Céline Thomas sur sa relation avec les marques.

 

Depuis combien de temps es-tu influenceuse B2B ? Comment définis-tu ce rôle ?

J’ai commencé cette activité en 2021, en partenariat avec Les Années Folles.

Je n’aime pas le terme “influenceuse”, car il a une connotation très négative, du fait de tous ces influenceurs BtoC sur Instagram notamment. Je préfère “leader d’opinion” ou “créatrice de contenu”. En plus, mon objectif n’est clairement pas d’influencer les gens avec mes publications, mais plutôt de les inspirer, les faire réfléchir, les faire découvrir et éventuellement passer à l’action, pour eux et pour leur entreprise.

Mon rôle est de porter à la connaissance d’une “cible” définie un événement, un service, un sujet qui peut leur être utile.

Enfin mon rôle est de communiquer sur les sujets qui sont de mon domaine d’expertise, à savoir management, Qualité de Vie et Conditions de Travail (QVCT)  sexisme ordinaire, et plus généralement le Future of Work.

 

Qu’est-ce qui définit le succès d’une campagne d’influence B2B ?

Je mesure la performance de mes publications. J’analyse notamment l’audience, afin de la segmenter en fonction de la cible et de l’objectif souhaité par le client.

J’utilise aussi un autre outil : le kiff. 

Et les 2 sont généralement liés. Plus j’ai de plaisir à faire une campagne, plus cela se ressent dans mes publications, et plus elle rencontre de succès.

Le succès se mesure aussi par l’atteinte ou non des objectifs du client. Si son objectif est de recruter et qu’il reçoit 3 CV, même si ma publication a atteint ses objectifs de visibilité, pour moi ce n’est pas un succès.

 

Si tu devais te poser sur tes 3 campagnes d’influence qui ont le mieux marché : D’après toi, quels ont été les facteurs de réussite ? Comment s’était passé la collaboration avec la marque ?

Alan

Alan a été ma première collaboration avec une entreprise. Juillet 2021, Olivia Mazon me contacte et immédiatement, le feeling passe. Elle ne me demande pas de faire de la publicité pour un produit ou un service, mais de sensibiliser le grand public sur la ménopause. J’ai carte blanche pour écrire à ma façon sur ce sujet. Et je saisis cette carte blanche, je m’amuse pour la première publication sur LinkedIn en proposant un dialogue fictif entre 2 collègues, en mode gossip sur une 3e.

Je me suis régalée et Alan n’a pas retouché une seule virgule de ma publication. Je conserverai cette liberté de ton tout au long de la campagne. La campagne avait rencontré un joli succès d’audience, et surtout de nombreux commentaires positifs d’hommes jusque-là peu concernés par le sujet.

Cette liberté de ton et d’angle pour traiter un sujet est un vrai régal pour le créateur de contenu.

 

Patyka

Le 2e succès qui me vient à l’esprit est la collaboration avec Patyka (soins cosmétiques bio haut de gamme), pour d’autres raisons. 

Cette campagne a été un succès pour plusieurs raisons : 

  • Un format vidéo (une première pour moi) qui a récolté des commentaires qualitatifs qui ont salué la pertinence du fond autant que la forme à la fois chaleureuse et professionnelle.
  • Une vraie discussion avec la DRH en amont, où j’ai su trouver un angle pertinent pour amener les sujets sans que ce soit de la réclame produit ou du pur marketing RH. Le client a accepté que je pose des vraies questions qui demandent des vraies réponses engageantes, avec des actes concrets, très loin de la langue de bois que l’on peut entendre dans ce genre de campagne.

Edenred

La 3e qui me vient à l’esprit est la campagne Edenred, assez ancienne aussi. A l’époque j’avais une communauté de 20 000 abonnés et les 2 posts LinkedIn que j’avais publiés avaient été vus par plus de 45 000 personnes. J’étais contente de ce résultat, car l’objectif était de faire connaître une solution à la fois aux DRH, mais aussi aux salariés.

 

À l’inverse, rappelle-toi des campagnes d’influence qui ont le moins bien marché : Comment s’était passé la collaboration avec la marque ? Avais-tu anticipé le flop ?

Je ne citerai pas les marques dont les campagnes ont été mitigées. Mais ce que je retiens, c’est que dès le démarrage du brief, la marque avait une vision précise, et surtout une stratégie déjà établie, et était peu ouverte à d’autres idées. Ils fonctionnaient davantage comme on le ferait pour un brief de publicité TV.

Ils cherchaient des relais de communiqué de presse plus que des vrais créateurs de contenu partageant leur expertise ou leur regard. C’était très verrouillé dès le départ.

Je me souviens d’un client qui avait réécrit mon post à 70 % en ajoutant des détails techniques sur leur solution. Ils ne démordaient pas sur ce point. Il fallait parler du produit en lui-même et non de ses bénéfices d’un point de vue RH/management. J’ai respecté leur demande en les prévenant que ma communauté ne m’entend jamais sur ces sujets techniques (sauf pour dire que je suis nulle) et que le risque de flop était très grand. J’avais visé juste, ce fut le pire flop de toutes mes campagnes de collaboration.

Un autre client a eu peur de l’angle d’écriture que je prenais. J’avais choisi de parler du stéréotype d’une population dans l’entreprise, pour justement ensuite dire que j’avais vu tout le contraire, et combien cela me réjouissait. L’agence avait adoré et soutenu ma proposition à 1000 %. Veto du client, refonte sur un ton ultra lisse, où mon expérience et ma “patte” ne s’exprimaient pas. Un flop aussi.

 

Dans quels cas vaut-il mieux passer par une agence d’après toi ? Quand travailler avec l’influenceur·euse directement ?

Je ne travaille qu’avec une agence, et même lorsqu’Alan m’a contactée directement, j’ai préféré passer par l’agence pour gérer tous les aspects contractuels notamment. La paperasse me pèse, et plus je peux la déléguer, plus je me concentre sur la mission.

Evidemment, l’agence prend une commission, mais cela sert à gérer le contrat, le rétroplanning, les retours clients qui peuvent être franchement désagréables.

J’ai la chance d’avoir très peu de demandes de corrections (parce que je discute bien en amont avec le client) mais c’est bien évidemment arrivé, et le job de l’agent c’est de faire le “tampon” sur un retour client qui peut être sec, afin de ne pas démotiver le créateur de contenu.

 

As-tu déjà refusé des collaborations ?

Oui, bien sûr.

J’en ai refusé une car je ne partageais pas la vision du travail avec une entreprise. Cette entreprise intervient dans le secteur des ESN, qui souffre globalement de soucis structurels au niveau managérial. L’entreprise n’apportait aucune solution à ces problèmes, voire, de mon point de vue, les aggravait pour les ingénieurs.

J’en ai refusé une autre qui faisait appel à plus de 30 créateurs intervenant sur des sujets très différents pour délivrer un message unique. Ce n’était pas dans mes sujets, et c’est à l’encontre de ma vision du métier. Pourtant, l’offre était alléchante.

Mais je pense long terme et communauté. Et je m’en voudrais de trahir autant de personnes qui me suivent et me contactent chaque jour pour me remercier de mes publications, de ma disponibilité… tout ça pour une “publi sponso” meme bien payée.

 

Quels éléments devraient inclure les marques dans leur brief pour une campagne d’influence B2B ?

Le premier, c’est être hyper clair sur les objectifs d’une campagne, et communiquer sur ces objectifs de manière transparente auprès des créateurs de contenu. Que ce soit des leads business, de la marque employeur, du recrutement. Si cet objectif n’est ni clair ni clairement exprimé, il y a de fortes chances que le créateur ait du mal le à saisir, et à être pertinent dans ses publications pour servir l’objectif.

Les marques doivent aussi mettre à disposition des documents de travail pour nourrir la réflexion du créateur de contenu, accepter de répondre à des questions qui permettent au créateur de comprendre leur offre et leur objectif de campagne. Je pose souvent des “vraies” questions pendant les call préparatoires, en leur expliquant que c’est simplement pour comprendre. La plupart des clients répondent car ils voient bien que ça va faciliter mon job par la suite.

 

En tant qu’influenceuse B2B, quels conseils donnerais-tu à une marque qui se lance pour sa première campagne ?

Une campagne d’influence n’est pas une publicité. 

Il faut impérativement tenir compte de la personnalité et du contenu de la personne qui portera votre message, autant que de la cible finale. Au sein de l’agence, nous sommes plusieurs sur la thématique RH / Management / Future of Work, et nous ne faisons pas les mêmes campagnes.

Il faut aussi accepter de lâcher prise et de s’éloigner de la communication institutionnelle ultra lisse. Les créateurs de contenu sont force de proposition et peuvent proposer des formats très intéressants, décalés du point de vue du client, mais qui vont fortement résonner auprès de leur communauté.

Enfin, je conseille de travailler sur le long terme. Cela prend du temps pour créer une relation de confiance. Faire un contrat pour une publication one-shot est rarement efficace, même en prenant 10 créateurs pour communiquer sur le sujet. De mon point de vue, il est préférable d’établir un partenariat sur plusieurs publications, ou sur une thématique pendant plusieurs mois (en prévoyant des publications régulières).

Cela met tout le monde en position de gagnant : le créateur parle de sujets qui l’animent, sa communauté n’a pas l’impression d’être du temps de cerveau disponible utilisée à des fins mercantiles, mais bel et bien sensibilisée et nourrie sur un sujet, et le client gagne en visibilité et en légitimité sur le ou les sujets choisis.

 

À propos de l’autrice

Céline ThomasCéline THOMAS est Conférencière en Management Durable, Bien-être au Travail et Performance d’entreprise

Avec Les Années Folles, elle collabore avec des marques qui souhaitent communiquer sur des sujets RH / Management / QVT, soit pour faire de la sensibilisation, pour présenter une offre, ou tout simplement mettre à l’honneur une culture d’entreprise particulière. Au travers de ce travail, elle renoue avec ses anciennes amours, le marketing et la communication, avec un volet d’expertise sur ses sujets, et de stratégie très précise.

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